Shamans – Avis et chronique de jeu

Entre l’ombre et la lumière se livre un combat de tous les temps. Les nuits et les jours se succèdent et se pourchassent. Certaines créatures s’exposent au grand jour alors que d’autres profitent des faveurs de l’obscurité pour évoluer. Avec Shamans, de Cédrick Chaboussit, vous passerez de l’ombre à la lumière en tentant de tirer profit des avantages de l’un comme de l’autre, tout en étant un élément actif dans l’équilibre de l’univers comme dans l’avancé du chaos. Dans ce jeu de rôle caché, tout est possible, mais vous n’êtes pas seul à mener cette lutte. Pouvez-vous faire confiance aux autres Shamans? Prêterez-vous allégeance aux forces de la lumière ou à celles de l’ombre? Et surtout… serez-vous fidèle à vos alliés?

Shamans
Auteur: Cédrick Chaboussit;
Illustratrice: Maud Chalmel;

Éditeur: Studio H;
Distributeur: Randolph;
Nombre de joueurs: 3 à 5 joueurs;
Durée: 30 à 60 minutes;
À partir de: 10+;
Thématiques: Spiritualité des premières nations, lutte entre la lumière et les ténèbres, rituels sacrés;
Mécaniques: Jeu de gestion de main, de déduction, de rôles cachés et de plis.

C’est quoi le but?

L’univers de Shamans se compose de plusieurs mondes qui sont actuellement instables. On fait donc appel aux Shamans pour rétablir l’équilibre entre l’Ombre et la Lumière. Cependant, certains Shamans se sont laissés attirés par le côté obscur et tenteront de plonger le monde dans le chaos. Selon votre allégeance, de manche en manche, vous devez soit faire progresser les ombres ou les repousser.

Comment on joue?

La mise en place du jeu est très rapide. On dispose le plateau de jeu au centre de l’espace de jeu, on sélectionne le nombre de cartes mondes (couleurs et valeurs) en fonction du nombre de joueurs. Les jetons de victoires sont posés près du plateau à une de ses extrémités et le premier joueur, qui est le plus âgé, reçoit le jeton Guide (premier joueur).

Au début de chaque manche, le pion Ombre est placé sur la case départ de la piste de Temps. On mélange les douze tuiles Artéfacts face cachée, on en révèle deux qui seront déposées sur le plateau. On ajoute la tuile Éclipse aux dix autres qui demeurent face cachée. Une carte rôle est remise à chacun des joueurs et les cartes Mondes sont distribuées aux joueurs. Les cartes non distribuées sont placées devant les emplacements du plateau correspondant à leur monde.

Mise en place pour une partie à cinq joueurs

Un tour de jeu comporte deux mouvements : le choix des cartes et la résolution de celles-ci.

Choisir une carte: Le guide choisit une carte de sa main et la pose face visible devant lui. Cela indique aux autres joueurs quel monde il souhaite équilibrer. Les autres joueurs, à tour de rôle et sans aucune contrainte dans le choix, sélectionnent une carte de leur main.

– Si la carte jouée correspond à celle du guide, elle est placée devant le joueur. Elle sera résolue en fin de tour.
– Si le joueur choisi une carte d’un autre monde, le pion Ombre avance immédiatement d’une case vers la lune. Puis, la carte est placée directement à l’emplacement du plateau correspondant à ce monde. Si cette carte vient compléter la série (six cartes à 3/4 joueurs et huit cartes à 5 joueurs), le joueur qui pose sa carte doit accomplir le rituel correspondant à ce monde.

Les sept mondes illustrées par des couleurs et des symboles propres.

Il y a 4 rituels Shamaniques dans le jeu:

– Rituel de stabilisation : le joueur recule le pion Ombre de deux cases ou choisit un artéfact pour lui-même.
– Rituel de permutation : le joueur change de carte rôle avec un autre joueur de son choix.
– Rituel d’illumination : le joueur prend un point de victoire dans la réserve.
Rituel de neutralisation : si le joueur possède un artéfact Dague, il doit la défausser et éliminer un joueur. Si sa dague est face cachée, il peut choisir de ne pas l’utiliser.

Une fois que tous les joueurs ont placés une carte, le joueur ayant la plus petite valeur devant lui choisit un des deux artéfacts ouverts sur le plateau ou prend celui qui est caché au sommet de la pile. Puis, le joueur ayant la plus haute valeur récupère les cartes posées devant tous les joueurs et les place devant l’emplacement du plateau correspondant à ce monde. Si ce monde est complet, ce joueur accomplit le rituel de ce monde puis devient le guide pour le tour suivant.

Il y a 4 artefacts aux pouvoirs différents:

– La dague rituelle : est nécessaire pour accomplit le rituel de neutralisation. Cet artefact est conservé tant que le joueur n’a pas accompli ce rituel.
– Le masque de vérité : oblige le joueur à révéler sa carte d’allégeance immédiatement.
L’éclat de lune : donnera deux points de victoire au joueur non-éliminé qui en possède au moins deux en fin de manche.
– Le portail : le joueur peut défausser cet artefact à n’importe quel moment pour avancer ou reculer le jeton Ombre d’une case.

Dans la pile des artefacts, un jeton Éclipse peut arriver au sommet. Dès que cela arrive, tous les joueurs doivent sélectionner une de leur carte et la passer au joueur à côté de lui, selon le sens de la flèche indiqué sur le jeton Éclipse.

Dans le cas ou un joueur est éliminé, on révèle sa carte d’allégeance et:

–  s’il était un Shaman : tout en gardant ses cartes face cachée, on avance le pion ombre d’autant d’emplacement que le joueur avait de cartes en main;
– s’il était une ombre : (dans une partie à cinq joueurs) les cartes sont placées devant les mondes correspondants sans influencer le pion Ombre. Si un ou des mondes sont complétés, le joueur qui a éliminé l’autre accomplit dans l’ordre de son choix le ou les rituels correspondants.

Trois cartes d’allégeance de Shamans et deux cartes d’allégeance Ombres.

Une manche se termine:

– lorsque toutes les cartes ont été jouées (manche remportée par les Shamans);
– dès que tous les joueurs ombre ont été éliminés (manche remportée par les Shamans);
– dès que le pion Ombre atteint la lune (manche remportée par les ombres).

Une manche remportée par les Shamans leur vaut deux points de victoire.

Une manche remportée par les Ombres leur accorde trois points de victoire.

Si un joueur non-éliminé possède deux (ou trois) éclats de lune en main, il gagne deux points de victoire.

Notez que la seule manière des ombres de remporter une manche et d’atteindre la lune avec le pion ombre; éliminer tous les Shamans ne donne pas la victoire.

Le pion Ombre sut le point d’atteindre la lune et de donner la victoire aux ombres.

Si aucun joueur n’a atteint huit points de victoire, ou si deux joueurs ou plus ont atteint huit points de victoire mais qu’il y a égalité en tête, on commence une nouvelle manche. Seuls le jetons points de victoires sont gardés par les joueurs et tout le reste du plateau est disposé pour une nouvelle manche.

Les jetons de points de victoire.

OK, et le jeu se termine quand?

Le jeu se termine lorsqu’un joueur obtient un total d’au moins huit points de victoire en fin d’une manche. Le joueur ayant le plus grand nombre de point de victoire remporte la partie.

Ce que j’en pense?

Wow! Voici un jeu à rôle caché qui risque de plaire aux amateurs de jeux stratégiques. En le jumelant à la mécanique du jeu de plis et en l’agrémentant de pouvoirs liés aux rituels et artefacts, Cédrick Chaboussit donne de l’amplitude et de l’intérêt au jeu à rôles cachés. Une belle réussite pour un jeu difficilement catégorisable. Mi-ambiance, mi-stratégique… mais sans demi-mesure et qui sait animer fort agréablement le temps consacré à ce jeu.

Il faut toutefois l’avouer, la thématique shamanique ne se fait que très peu sentir, à moins que vous n’ayez un joueur très motivé et très animateur autour de la table. Heureusement, les magnifiques illustrations de Maud Chalmel permettent un point d’ancrage dans l’univers des Shamans. Pensé pour les joueurs daltoniens, des rappels se retrouvent un peu partout sur les éléments du jeu. Le matériel est non seulement d’une esthétique soignée, mais également dans un bon matériau. On ne craindra pas de l’abimer, même avec des plus jeunes.

Parlant jeunes, sans être un jeu 100% familial, il se joue bien en famille. À mon avis, la cible des 10 ans et plus est justifiée par l’aspect subtile de la déduction des rôles cachées et la mince complexité du calcul des points de victoire. Bien entendue, certains jeunes joueurs un peu plus aguerris pourraient y trouver leur compte, à vous de voir. Shamans se présente comme un jeu léger et sans prise de tête. Il est donc parfait pour terminer une soirée ou en accompagnement d’un bon verre entres amis. Expérience faite, et selon le type de joueurs présents, il peut néanmoins devenir une pièce de résistance assez intéressante et l’élément constitutif d’un beau temps entre maître-stratège et maître-bluffeur.

D’un point de vue stratégique, le jeu est un semi-coop avec victoire en solo. D’une manche à l’autre, et parfois même en cours de manche, les changements d’allégeance demandent une attention minimale et les coups fourrés sont réguliers. Il ne faut pas être susceptible pour apprécier l’expérience du jeu. En effet, il faut se montrer opportuniste et si certaines tactiques ont de bons effets dans le court terme, il ne faut jamais perdre de vue la victoire finale. Aussi, il est parfois préférable de conduire son équipe temporaire à la défaite afin d’éviter qu’un de nos alliés du moment n’emporte la victoire avec les huit points nécessaires. Autrement, le rituel de permutation peut être assez puissant pour arracher la victoire. En effet, on peut décider changer de camps à la dernière minute. Mais pour cela, il faut être en mesure de connaître avec certitude l’allégeance d’un joueur qu’on souhaite usurper, que celui-ci ne soit pas éliminé avant de procéder au changement et que vous soyez en mesure d’accomplir ce rituel précis. Vous l’aurez compris… d’un jeu d’ambiance simple, on peut tenter toute sorte d’entourloupettes!

Les artefacts sont des éléments à ne surtout pas négliger. Leur choix est capital.

Au regard de la mécanique de gestion des points de victoires, ça fonctionne plutôt bien et on sent que le jeu a été testé à de multiples reprises avant d’en arriver à ce système. Un seul point d’ombre dans cette mécanique est à mon sens le cas (rarissime mais pas tant que ça!) de l’égalité de pointage en fin de partie. Lorsqu’on veut départager qui termine premier et qui termine deuxième, on nous invite à faire une manche supplémentaire. Il y a donc un désintérêt de la part des autres joueurs qui ne sont pas dans la course. Avec mes amis, nous avons pris l’option de permettre à un joueur qui n’était pas à égalité de pouvoir remporter la victoire s’il arrive à dépasser les deux autres après la (ou les) manche(s) supplémentaire(s). Il peut arriver que plus d’une manche supplémentaire soit nécessaire.

Dans un tout autre ordre d’idée, certains jeux à rôle cachés présentent des aspects purement aléatoires et les joueurs moins extravertis peuvent avoir tendance à se sentir rapidement mis de côté. Avec Shamans, les éléments introduits par les plis à faire et leurs conséquences ainsi que les pouvoirs permettent de compenser cet aspect. J’ai entendu quelques personnes qui ne sont généralement pas fan des jeux à rôles cachés exprimer un grand plaisir et un grand intérêt à ce jeu. Un beau tour de force!

Un défi demeure, celui de l’élimination directe de certains joueurs. Sur la majorité des parties, cela n’a que peu de conséquence car les éliminations surviennent généralement plus près de la fin d’une manche et comme on enchaîne plusieurs manches, le joueur éliminé n’est pas en retrait trop longtemps. Par contre, ça peut devenir frustrant quand on est éliminé plusieurs manches de suite… ce qui arrive notamment si on est le joueur en tête de pointage! Il faut donc user de stratégie également sur cet aspect!

Shamans est définitivement un jeu à hautes interactions conduites tantôt par les règles des cartes Mondes, tantôt par les coups tactiques associés aux pouvoirs des artéfacts et des rituels et surtout, par les tactiques des joueurs. Aussi, on comprend que plus le nombre de joueurs est élevé, plus de plaisir il y a. Excellent à cinq joueurs, il est encore très raisonnable à quatre. Pour jouer à trois joueurs, le niveau de plaisir n’est pas aussi élevé.

Notons que le jeu s’apprend rapidement, s’explique bien et se joue aisément. On a cependant parfois l’impression de se perdre un peu en technicalité lorsqu’on lit les règles. La tentative d’immersion dans la thématique shamanique (guide, rituel, éclipse, ombre, etc.) a le mérite d’exister, mais force est de constater qu’on l’oublie rapidement. Lorsqu’un nouveau joueur arrive, on explique le jeu plus simplement que le livre des règles ne le fait et ça fonctionne. Le plaisir ne se fait pas attendre.

Somme toute, Shamans se présente très bien, se joue facilement, crée une ambiance de tensions fortes et engage les joueurs à demeurer sur le qui-vive. Bien qu’on n’enchaîne généralement pas les parties les unes après les autres, c’est un jeu qu’on peut sortir assez régulièrement pour compléter une soirée en y mettant un climat de rentre-dedans pas trop intense et surtout pas désagréable du tout!

Bref, si vous aimez les jeux à rôles cachés avec confrontation qui font à la fois intervenir des éléments tactiques et de bluffs dans une ambiance de coopération passagère et d’opportunisme assumé alors Shamans est pour vous!

On aime :
Des règles faciles à comprendre et faciles à prendre en main (en prenant le temps de simplifier les termes techniques);
– Un jeu interactif offrant déduction, bluff et trahison (plusieurs retournements de situation);

– Le mélange heureux et efficace des mécaniques originales;
– L’interaction qui, sans être agressive, demeure directe et constante;
– Les illustrations magnifiques et colorées;
– Le matériel original, sublime et agréable à manipuler;
– L’attention graphique pour les personnes daltoniennes;
– L’ambiance électrique de suspicion mêlée à la coopération et l’opportunisme;
– L’accessibilité en raison de la simplicité des règles et de son côté intuitif;
– Un jeu de plis tactique qui nous donne envie de jouer et de rejouer;
– La fluidité du jeu, l’enchaînement efficace des tours et la durée des manches.

On aime moins :
– La thématique qui est plutôt accessoire;
– Jouer à 3 joueurs (moins passionnant, car il n’y a pas réellement d’équipe);
– Jouer à plusieurs joueurs, car le principe d’élimination de joueurs est long;
– Le bris d’égalité: la motivation des autres joueurs n’est pas présente;
– Les règles du jeu parfois trop techniques pour la simplicité du jeu (manque de limpidité).

On aimerait:
– Que les joueurs éliminés puissent continuer d’influencer le jeu d’une manière ou d’une autre. Après tout, dans l’esprit des Shamans, la mort ne fait-elle pas que changer la nature du rapport au monde?
– Pouvoir jouer à plus de 5 joueurs.


Il est à noter que:
– Ce type de jeu est basé sur l’interaction des joueurs entre eux et sur les coups fourrés. Aussi, si vous n’aimez pas être embêté par les autres joueurs, ou si vous êtes particulièrement susceptible, alors il vaut mieux éviter ce jeu.

8/10

Merci à notre partenaire le Randolph de nous avoir offert une copie du jeu pour cette chronique.

Vous aimez les jeux d’ambiance, nous vous invitons à découvrir d’autres jeux du Randolph en lisant notre chronique sur le jeu Wink Nid d’espion.

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