Gnomopolis, avis et chronique du jeu

Qui eût cru que l’activité humaine provoquerait des chamboulements jusque sous nos pieds… en des contrées souterraines peuplées de créatures mythiques et si ingénieuses! Eh oui, une grande migration de gnomes s’opère discrètement et secrètement sous la surface de la Terre. Après des siècles de quiétudes, les révolutions industrielles, scientifiques puis technologiques des humains obligent les gnomes à quitter leur cité séculaire pour se rendre dans le grand hall souterrain sous la Grande Montagne.

Là, quelques intrépides aventuriers accompagnés de leur famille et vous aurez à bâtir une nouvelle cité de Gnomopolis!

Gnomopolis
Auteurs: Igor Knop et Patrick Matheus;

Illustrateurs: Marcelo Bastos, Luís Brüeh et Patrick Matheus;
Éditeur: Matagot;
Distributeur: Îlo307;
Nombre de joueurs: 1 à 4 joueurs;
Durée: 45 minutes;
À partir de: 10+;
Thématique : construction de ville, gnomes;
Mécanique : bag-building, placement d’ouvriers, draft et set collection.

C’est quoi le but?

Dans Gnomopolis, vous incarnez un groupe de gnomes aventuriers qui déménagent leur capitale en un endroit plus sécuritaire. Chacun des joueurs a pour tâche de recruter des gnomes afin d’augmenter la population de son propre quartier et être ainsi en mesure d’œuvrer à la construction de la nouvelle capitale. Construire des bâtiments tout en s’assurant que tous vos concitoyens aient un logement est la clef du jeu. Ainsi, vous accumulez de l’or et attirez des gnomes-conseillers, ce qui vous permet de gagner des points de victoire.

Comment on joue?

Bien que la mise en place ne soit pas très compliquée (5 minutes suffisent amplement), il faut tout de même prévoir un espace de jeu assez important car le jeu demande un certain déploiement. Au choix, le premier joueur est soit le plus petit en taille (nous sommes tout de même dans le monde des gnomes!), soit déterminé au hasard. Il est important de se rappeler qui est le premier joueur car cela aura un impact sur la fin de la partie.

Il convient également de bien comprendre le plateau de jeu individuel, appelé plateau quartier.

Celui-ci est divisé en 4 sections:
– le haut: il regroupe des parchemins;
– le milieu à gauche: la section des gnomes actifs;
– le milieu à droite: la section des gnomes épuisés (fatigués);
– le bas: il représente des logements pour héberger des gnomes en fin de partie.

Durant un tour de jeu, trois options sont possibles:
– effectuer des actions avec les gnomes actifs;
– construire un bâtiment et passer.

Pour ce faire, il suffit de déplacer un certain nombre des meeples gnomes actifs vers un parchemin inoccupé d’un des éléments du jeu (son propre plateau de jeu, une carte bâtiment ou une carte conseiller) et d’en résoudre entièrement l’action.

Action des gnomes actifs:
Il est important de comprendre que les couleurs de meeples représentent différents types de gnomes. Au début du jeu, chaque joueur a en sa petite colonie (sa tasse de jeu) quatre simples villageois et deux enfants.

En les déplaçant sur les différents parchemins de son plateau de jeu, il est possible de convertir:
• les enfants en simples villageois;
• les simples villageois en villageois qualifiés: soldat, marchand, artisan et inventeur.

Quant aux villageois qualifiés, si vous les placez sur les espaces appropriés de votre plateau quartier, ils vous permettent de:
• soldat (rouge): piocher au hasard deux gnomes dans votre tasse;
• marchand (jaune): gagner des ressources (deux pièces d’or);
• inventeur (gris): recevez un assistant mécanique;
• artisan (bleu): chercher un gnome.

Vous pouvez récupérer un de vos gnomes soit dans la tasse ou bien en fonction de l’endroit à lequel celui-ci se trouve:
– dans votre tasse: vous choisissez celui qui vous convient et le placez dans la section de vos gnomes actifs;
– dans la section des gnomes épuisés (fatigués): il redevient alors actif;
– sur un parchemin: s’il est en position debout, vous le déplacez vers les gnomes épuisés, s’il est couché, conduisez-le vers la nouvelle capitale.

Construction de bâtiment:
Il est également possible de construire de nouveaux bâtiments pour son quartier en disposant des ressources nécessaires. Dès le début du jeu, un marché de six bâtiments est constitué et c’est de ce marché que seront construits les bâtiments. Le coût en gnomes et ressources est illustré sur la partie gauche de la carte. Édifier un bâtiment offre trois avantages conséquents au joueur:
• d’abord, les bâtiments permettent de nouvelles options d’actions (illustrées par des parchemins qui se situent au haut de la carte bâtiment);
• ensuite, les bâtiments permettent de loger davantage de gnomes à la fin de la partie dans les logements (dans le bas de la carte);
• finalement, les bâtiments favorisent le commerce entre les joueurs en utilisant les caravanes. Lorsqu’un autre joueur utilise les capacités de l’un de vos bâtiments, vous recevez une pièce d’or (un point de victoire!) de la réserve.

Il n’est toutefois possible de construire qu’un seul bâtiment par tour de jeu. Une fois un bâtiment construit, il est déplacé dans la zone de jeu, au-dessus du plateau quartier du joueur. On remplace alors le bâtiment dans la zone du marché.

Passer (mettre fin à son tour de jeu):
Lorsque vous terminez votre phase d’action, vous passez ensuite au prochain joueur. À ce moment, vous préparez votre prochain tour de jeu:
• tous les gnomes en position couché ainsi que tous les jetons posés sur les parchemins sont envoyés à la nouvelle capitale;
• tous les gnomes en positions debout, y compris ceux demeurant dans la zone de gnomes actifs, sont déplacés vers la zone des gnomes épuisés;
• piochez 3 gnomes dans votre tasse et placez-les dans la zone de gnomes actifs. Une fois la tasse vide, récupérez les gnomes épuisés et déposez-les dans votre tasse.

C’est tout?

Bien sûr que non! Trois éléments vraiment non négligeables apportent une certaine profondeur au jeu. Il s’agit des assistants mécaniques, des conseillers et des caravanes.

Bien que certains bâtiments puissent en offrir, les assistants mécaniques sont des inventions robotisées créées principalement par les gnomes inventeurs. Ils ont pour fonction de remplacer le travail de n’importe quel gnome, peu importe sa spécialisation. D’usage unique, une fois leur fonction remplie, ils sont retournés à l’ancienne capitale pour y être reprogrammés et utilisés par le prochain acquéreur.

Les conseillers, quant à eux, sont des gnomes ultra spécialisés représentés par quatre cartes situées en début de partie près du marché aux bâtiments. Il en existe un seul par spécialisation: soldat, artisan, marchand et inventeur. Ils sont attirés par les quartiers qui se développent le mieux. Ainsi, dès qu’un joueur obtient la majorité d’un des quatre types de bâtiment, le conseiller déménage et s’installe dans ce nouveau quartier, apportant avec lui une prime (une pièce d’or) et une nouvelle option d’action (parchemin). De plus, en fin de partie, s’il est toujours un habitant de votre quartier, vous gagnerez des points de victoire supplémentaires.

Finalement, les gnomes ont apprivoisé des tatous géants pour le transport de marchandise entre les quartiers. Représentés par des meeples en forme de tatous de la couleur de chacun des joueurs, les caravanes permettent aux joueurs de copier une action d’un autre joueur. Avantage conséquent puisque certaines actions sont uniques aux bâtiments et aux conseillers qui ne peuvent être en possession que d’un seul joueur. Quelques règles simples d’utilisation s’appliquent.

OK, et le jeu se termine quand?

Il y a trois conditions qui déclenchent le processus de fin de partie:
– il n’y a plus de gnomes;
– il n’y a plus de pièces d’or dans l’ancienne capitale;
– un joueur possède six cartes bâtiments dans son quartier.

Dès que l’une d’entre elle est rencontrée, on termine la manche en cours afin que tous les joueurs aient joué le même nombre de tours de jeu. Une fois le tour du dernier joueur complété, tous les joueurs vont loger leurs gnomes dans les bâtiments et leur plateau quartier.

Puis on décompte les points pour départager le vainqueur.
Le score final d’un joueur se calcule ainsi: un point pour chaque pièce d’or et pour chaque gnome logé sur un plateau quartier. Deux points pour chaque gnome logé sur une carte bâtiment et pour chaque conseiller résidant dans le quartier. Si un ou des gnomes n’arrivent pas à être logés, on perdra un point par gnomes sans domicile fixe. Évidemment, le plus haut total emporte la victoire.

Ce que j’en pense?

D’entrée de jeu, disons-le, Gnomopolis n’est pas le jeu de l’année. Pourtant, la simplicité de sa mécanique, la durée de la partie et l’équilibre stratégie-hasard engagent assez rapidement les joueurs dans un certain plaisir. C’est un bon jeu familial qui permet autant aux plus jeunes qu’aux plus vieux de passer un bon moment. La variété des possibilités de cumuler des points de victoire rend le jeu agréable autant aux fins stratèges qu’aux joueurs occasionnels pour qui le plaisir de jouer est plus important que la victoire.

Ni trop simple, pour garder l’intérêt du jeu, ni trop compliqué, pour ne plus être capable d’échanger autour du jeu, l’équilibre semble ajusté à ce qui est annoncé: dix ans et plus. En ce sens, l’’iconographie est intuitive. Il est donc simple, une fois que l’on a bien saisi les règles du jeu, de se retrouver avec les plateaux et les cartes. Nul besoin de revenir au livre des règles, sauf peut-être pour le décompte final dans les premières parties.

Au regard de la dynamique de jeu, les assistants mécaniques évitent clairement des longueurs en offrant la possibilité de ne pas attendre trop longtemps le gnome nécessaire à l’évolution du jeu. Ils sont clairement une ressource très précieuse! De même, l’usage du tatou est à bien doser… Trop utilisé, il permet aux adversaires de gagner de précieux points qui font parfois une grande différence en fin de partie.

Cependant, il y a un effet répétitif qui pourrait lasser certains types de joueurs. En effet, la dynamique est sensiblement la même d’un bâtiment à l’autre: transformer un mepple en un autre. Il manque un petit je-ne-sais-quoi de pétillant, de surprenant pour garder l’intérêt au-delà d’une partie. Peut-être qu’un aspect de combo typique des engines-building aurait été un élément qui aurait pu hisser le jeu à un niveau supérieur?

Soulignons au passage que l’interaction entre les joueurs est correcte. En plus des points de victoire donnés aux adversaires à l’usage des caravanes, l’achat des bâtiments du marché peut influencer la stratégie des autres joueurs. Une fois un bâtiment construit, il n’est plus accessible aux autres joueurs. De même, l’échange des conseillers si on “vole” la majorité à un autre joueur peut avoir un impact important sur le cours de la partie. L’interaction n’est donc pas une intervention directe sur le jeu des autres (n’en déplaise aux amateurs de “take that!”) mais plutôt une subtile tentative de ralentissement de la progression de l’autre.

De petits détails rendent l’expérience du jeu un peu moins optimale. Notons notamment qu’il y a de nombreux composants. Je suggère fortement de petits bols pour disposer des nombreux meeples de l’ancienne et de la nouvelle capitale. De même, si les cartons sont épais, robuste et facilement manipulables, Il est facile d’accrocher les meeples qui sont placés dessus et de les répandre. Attention aux manches amples lorsqu’on passe au-dessus de son plateau de jeu!

D’autre part, les meeples sont tous de la même forme. Seuls les couleurs différencient les types de gnomes. Il est difficile pour qui a de la difficulté à distinguer les couleurs de jouer. En effet, les couleurs ont une importance première dans le jeu. Il aurait été souhaitable que les meeples soient de formes diversifiées en fonction de leur spécialisation.

Finalement, sans que cela soit un véritable point négatif, on aurait tout de même aimé un indicateur de premier joueur. Utile en fin de partie. Ça aurait pu être une marque particulière sur un des quatre plateaux de jeu ou encore une tasse avec une caractéristique particulière.

Le jeu peut s’adresser à un public plus jeunes, vous pouvez y jouer avec des enfants de 10 ans. En revanche, ne vous laissez pas tromper par son look enfantin, Gnomopolis cache un jeu de stratégie.

Avant de conclure, je désire partager mon appréciation du mode solo. Ce qui est habituellement un point positif pour la majorité des jeux, ici, la version solo est plutôt neutre. Le livre des règles parle de scénarios proposés en ligne (uniquement en anglais!). Cependant, sur le site, on ne trouve aucun des défis et aucune des campagnes annoncées. On y retrouve cependant un excellent automa, nommé Arthur. Son utilisation nécessite une connexion internet et simule les actions d’un second joueur. Somme toute, on pourrait croire que la version solo est un peu plaquée, parce qu’il faut bien, en 2020, un mode solo. Peut-être cela évoluera-t-il dans le temps? Personnellement j’en doute.

Gnomopolis n’est pas un jeu qu’on achète en espérant y jouer en solo. Il est vraiment optimal lorsque l’on joue à trois ou quatre joueurs…

Définitivement, Gnomopolis n’est pas un “must have” dans une ludothèque. Cependant, il demeure un jeu agréable, complet et stimulant pour de jeunes joueurs et leur famille. Il dépasse la catégorie du jeu d’initiation souvent un peu trop simpliste et n’utilisant qu’une seule mécanique. Je l’utiliserais volontiers pour préparer des enfants qui ont déjà une expérience de jeu plus simples à expérimenter des jeux un peu plus complexes.

Si je pouvais inventer une catégorie de jeu, je qualifierais celle-ci de jeu tremplin! Gnomopolis figurerait alors sur cette liste dans une très bonne position!

Bref, si vous rechercher un premier jeu joli et original mélangeant le draft, le bag building et le placement d’ouvriers, alors Gnomopolis est le jeu qu’il vous faut.

On aime :
– la simplicité et la clarté des règles;
– l’équilibre entre hasard et stratégie qui est vraiment excellent;
– le rapport plaisir/durée de jeu est très bien;
– la grande qualité du matériel et celle des illustrations;
– l’iconographie sur les composantes de jeu qui est très intuitive;

– l’originalité des tasses pour procéder au bag building;
– les conseils stratégiques placés en marge des règles;
– la quantité des différents bâtiments à construire qui apporte une grande rejouabilité;

– Le côté exigeant en fin de partie concernant la gestion;
– Arthur, l’automa du mode “solo” (il fait bien office d’un second joueur);
– le niveau de jeu qui est bien adapté pour plaire autant aux 10 ans qu’à leur grand frère ou grande sœur… et même les parents;

– les conseillers qu’il faut constamment regarder au cours de la partie.

On aime moins :
– les meeples de même forme (difficile pour les personnes ayant une déficience de la vision des couleurs);
– l’aspect répétitif de la mécanique;
– on ne comprend pas: pourquoi une tasse? Quel est le rapport avec la thématique?
– toujours au sujet des tasses: les mains plus larges ont de la difficulté à piocher les gnomes à l’intérieur;
– Arthur, l’automa du mode “solo” (nécessite une connexion Internet et un appareil);
– la promesse non-tenue de défis et campagnes pour un mode solo;

Une note de 7.5/10

Merci à notre partenaire Îlo307 de nous avoir offert une copie pour cette chronique.

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