Cordillère des Andes, Pérou, il y a de cela très très longtemps…Le territoire du peuple Inca est en pleine expansion. Les dirigeants des divers clans désirent que les villages deviennent des villes qui honorent leur Dieu et ainsi obtenir un prestige qui les amènera à se distinguer de leurs compétiteurs. Pensez-vous être à la hauteur de la tâche? Pour le savoir, pas le choix, il faut essayer une partie de Cuzco!
Cuzco
Auteurs: Michael Kiesling, Wolfgang Kramer;
Illustrateurs: Paul Mafayon, Christophe Swal;
Éditeur: Super Meeple;
Distributeur: ÎLO;
Nombre de joueurs: 2 à 4 joueurs;
Durée: 90 minutes;
À partir de: 14+;
Thématique: Univers des Incas;
Mécaniques: Jeu de placement de tuiles et de majorité.
C’est quoi le but de Cuzco?
Dans Cuzco, nous incarnons de grands dignitaires et nous désirons obtenir la suprématie politique. Pour ce faire, nous avons besoin d’exploiter au maximum le territoire en construisant des villages, des villes et des temples. Bien sûr, nous organisons de grandes fêtes en l’honneur du Dieu solaire! Car après tout, ce sont toutes ces actions qui permettent d’accumuler davantage de prestige… et le prestige, c’est la clé de l’ascension!
Comment on joue à Cuzco?
Tout d’abord, lors de la mise en place, chaque joueur reçoit un lot de tuiles « terrain » simples (deux tuiles « village » et trois tuiles « culture »), cinq tuiles « terrain » doubles, douze Incas ainsi que des jetons d’action supplémentaire. Cela constitue sa réserve personnelle. À cela s’ajouteront trois cartes « fête » qui devront rester secrètes.
Une réserve commune contenant les cinquante-six tuiles « terrain » triples, les dix-neuf tuiles « bassin d’irrigation », les divers étages servant à la construction des temples de même que les marqueurs « disque solaire » doit être disposée à portée de main.
Les cartes « fête » restantes doivent former une pile et la première carte doit être retournée de manière à indiquer quelle « relique » sera au cœur de la prochaine fête.
Ensuite?
À son tour, chaque joueur de Cuzco dispose de six points d’action qu’il peut utiliser comme bon lui semble. Sa seule obligation est de poser une tuile pour commencer son tour (contre un point d’action). Le format de la tuile n’a pas d’importance, toutes les options sont possibles! Après coup, il peut utiliser ses cinq points restants pour faire ce qu’il désire entre les options suivantes :
- Poser une nouvelle tuile, pour un point d’action;
- Ajouter un Inca sur le jeu en provenance de la forêt, pour un point d’action;
- Ajouter un Inca sur le jeu en provenance de la montagne, pour deux points d’action;
- Intégrer une tuile « bassin d’irrigation », pour un point d’action;
- Se déplacer sur les tuiles d’un même type, pour zéro point d’action;
- Se déplacer en changeant de type de tuile, pour un point d’action par changement;
- Construire ou agrandir un temple, pour un point d’action;
- Faire une fête, pour zéro point d’action;
- Piger une ou deux cartes « fêtes », pour un ou deux points d’action.
Aussi?
Il faut simplement garder en tête qu’en fin de partie, ce sont les Incas placés le plus en hauteur près de chacun des temples qui permettront de gagner des points. Il importe donc d’être un minimum stratégique dans sa pose de tuiles de manière à être en mesure de créer un deuxième, troisième, quatrième voire cinquième étage à force d’en empiler pour illustrer sa suprématie. De plus, la présence de plusieurs Incas dans une même ville permet de départager le meneur de ses subalternes et ainsi déterminer qui a le droit de construire ou d’agrandir le temple.
Mais encore?
Cela dit, il suffit d’être présent dans une ville pour avoir le droit de participer à une fête et même de tenter d’en devenir l’organisateur, ce qui fait gagner des points de prestige. Lorsque l’organisation d’une fête sera tentée, les joueurs ayant un ou des Incas en place pourront enchérir à l’aide des « reliques » illustrées sur les cartes « fête ». Celui qui sera en mesure d’offrir au Dieu solaire la « relique » qu’il désire en plus grande quantité sera décrété organisateur et il pourra récolter les points associés au format du temple. Il est possible que plusieurs joueurs soient à égalité dans la course à la fête. Ce faisant, ils pourront l’organiser ensemble, moyennant une récolte moindre en points de prestige.
Les tours de jeu vont donc s’alterner et la même séquence se reproduira. Les points d’action seront dépensés et la carte de Cuzco va immanquablement s’agrandir et s’enrichir de plusieurs temples.
Ok, et une partie de Cuzco se termine quand?
Lorsqu’un joueur place la dernière tuile « terrain » triple, il termine son tour de jeu en utilisant tous ses points d’action, puis il devra effectuer son Grand décompte. Il peut encore intervenir dans l’organisation des fêtes, mais pour le reste, il a terminé de jouer. Il doit donc comptabiliser son pointage et placer sur le dos ses Incas au fur et à mesure qu’ils auront servi à marquer des points. C’est leur positionnement en fonction de chacun des temples qui lui permettra de marquer.
Le joueur dont l’Inca est le plus haut placé remporte un nombre de points de prestige équivalant à la valeur du temple auquel il est associé et le deuxième, la moitié de la valeur en points. Ce qui est intéressant, c’est que comme les autres joueurs auront encore un tour à jouer, il est possible que le joueur précédent soit détrôné par ses successeurs, qui gagneront eux aussi un maximum de points après avoir potentiellement optimisé leurs dernières actions.
C’est tout pour Cuzco?
Il faut savoir que Cuzco est le troisième volet de la « trilogie des masques » des mêmes auteurs. Précédé par Mexica et Tikal, Cuzco est une réédition du jeu Java, dont la thématique fut légèrement modifiée. Ils sont passés de l’île indonésienne du même nom au Pérou, question de rejoindre ses frères dans les territoires d’Amérique du Sud. Après les Aztèques et les Mayas, c’est maintenant au tour des Incas de vivre leur expansion territoriale!
Cette mise à jour a aussi permis de revamper l’esthétique générale du jeu pour lui donner un petit plus fort sympathique. Après tout, lorsqu’un jeu atteint sa majorité, un petit relooking peut lui faire du bien. Ça va lui permettre une renaissance qui le fera connaître à encore davantage de joueurs!
Ce que je pense de Cuzco?
Cuzco est un jeu fort agréable. La mise en place donne le ton. Le matériel a été réfléchi avec soin et il est, disons-le franchement, très bien fait. Je trouve que les pièces formant les temples se distinguent du reste par les détails qu’on y trouve. Ils s’emboitent bien, restent stables lorsqu’empilés et l’information s’y trouvant est clairement gravée.
Le matériel
Le design des tuiles est aussi intéressant. Il aurait été facile d’être encombré par trop d’informations visuelles et les illustrateurs ont su éviter ce piège. La distinction entre les deux types de terrain est claire. C’est à la fois la couleur et le dessin qui indiquent de quel type il s’agit. Un joueur ayant une déficience visuelle comme du daltonisme ne serait donc pas affecté et il pourrait jouer en toute quiétude. Les couleurs choisies pour les Incas aussi sont suffisamment variées et contrastées pour être adaptées à tous les joueurs.
Le fait que les tuiles « terrains » aient chacune un design qui s’accorde à son format aide grandement à la planification en cours de partie. Pas de casse-tête superflu, on sait à quoi s’attendre d’une tuile triple, d’une double et des tuiles simples. Le matériel de chacun étant sur la table et accessible en tout temps, il est plus facile de planifier adéquatement ses actions à venir sans être perpétuellement dans la surprise.
Un univers de possibilité!
Et c’est important que la planification puisse être efficace, car c’est en quelque sorte la clé de Cuzco. Lors de son tour, un joueur a beaucoup de possibilités devant lui. Faire le tri entre les différentes options peut s’avérer un défi pour certains joueurs. Une chance qu’une aide de jeu est prévue afin que chacun puisse avoir une vue d’ensemble des possibilités et que les règles sont relativement simples à comprendre et à appliquer. Le livret permet de bien exemplifier les différents cas de figure sans obliger une lecture fastidieuse.
Un ajout?
Il aurait pu être pertinent de faire deux petits ajouts au jeu afin d’assister certains d’entre nous. Par exemple, fournir un moyen de calculer la dépense des points d’action m’aurait semblé une bonne idée, car il est facile de perdre le compte, surtout lorsqu’il y a des hésitations et des changements d’idée. Une planchette avec une roulette, des jetons ou même un dé auraient pu faire office de calculateur. En cours de partie, nous avons opté pour un calcul en groupe à haute voix, mais ce n’est pas notre mode de calcul favori…
Un autre ajout à Cuzco?
Une autre idée qui aurait pu aider certains joueurs est celle d’intégrer un petit sablier. Je suis consciente que l’immense éventail de possibilité n’est vraiment pas un problème, c’est plutôt une qualité vraiment chouette de Cuzco. Cela dit, avec des joueurs qui ont la réflexion…lente… cet accessoire pourrait aider à conserver un rythme plus régulier entre chacun des tours, car ils s’éternisent parfois.
Le plateau de Cuzco
Le plateau de jeu est vraiment grand avec Cuzco! Cela permet d’avoir des tuiles d’un format intéressant qu’il est facile d’empiler sans devoir se fâcher contre notre propre maladresse. Les Incas sont conçus pour bien tenir en place et ils sont agréablement balancés. Le seul élément qui nous a causé de la frustration est le marqueur de fêtes. Comme il doit tenir en équilibre sur le temple, il est arrivé à de nombreuses reprises qu’un joueur en accroche un et le fasse tomber en désirant placer une tuile ou un Inca. Il me semble qu’un élément à insérer dans un trou aurait peut-être mieux fait le travail et aurait potentiellement été plus élégant.
Si je reviens au plateau, je dois dire que bien qu’il remplisse la table, chaque joueur n’a besoin que d’un petit espace personnel pour son matériel. Il est donc tout à fait envisageable de jouer sur une table pour quatre sans déborder et même de garder une boisson à portée de main pour les plus téméraires d’entre nous.
L’accessibilité
Je dois souligner que ce jeu est accessible à un grand éventail de joueurs. Parce que j’aime défier un brin les suggestions liées à l’âge, j’ai tenté une partie avec mon garçon de onze ans et il s’en est très bien sorti. Il a trouvé le moyen de mettre en place des stratégies de blocage très efficaces qui n’avaient pas été exploitées lors des premières expériences. Alors je ne peux que recommander d’oser sortir Cuzco avec des joueurs un peu plus jeunes, surtout si ça vous permet de le sortir plus souvent.
D’ailleurs, je crois que la rejouabilité de ce jeu peut être intéressante, car les stratégies à exploiter sont variées. Si certaines semblent plus évidentes aux premiers abords, l’élargissement du territoire, le placement judicieux des Incas et la multiplication des temples gagnent à être exploités davantage. D’ailleurs, je planifie prendre la montagne d’assaut lors d’une prochaine tentative!
Flexibilité
Après tout, les règles offrent une grande flexibilité quand à la pose des tuiles, particulièrement en début de partie. Et j’aime bien que les auteurs aient prévu que des joueurs puissent désirer sortir du cadre et placer des tuiles autrement. Le fait de pouvoir payer en points de prestige les cases dépassant de l’aire de jeu initiale me semble vraiment original!
À mon avis, la meilleure configuration pour une partie est à trois joueurs. On retrouve un super équilibre entre la tension créée par les actions de nos adversaires et les possibilités d’améliorer significativement notre propre évolution dans un laps de temps optimal. De plus, certaines règles du grand décompte final gagnent en intérêt à partir trois. Comme l’option d’être en deuxième place existe, il devient plus tentant d’essayer de se tailler une place dans toutes les villes, même celles dans laquelle un des joueurs est clairement en contrôle. À deux joueurs, les parties sont un peu moins excitantes même si elles sont quand même agréables. Il aurait peut-être fallu adapter un peu les règles pour cette configuration.
Le grand décompte de Cuzco
J’ai bien aimé le fait que le joueur enclenchant la fin de partie fasse son grand décompte avant que les autres jouent leur dernier tour. Cela permet de garder un as dans sa manche et de faire un ou plusieurs coups malicieux afin d’optimiser son score. J’ai souvenir d’une partie pendant laquelle j’ai pu carrément expulser un adversaire d’une ville en le coupant grâce à une tuile « culture ». J’ai ainsi pu remporter à mon tour un maximum de points malgré le fait qu’initialement, je n’étais pas la mieux placée. Cela force aussi à planifier la dépense en points d’action. Après tout, celui qui place la dernière tuile aura à être particulièrement impeccable s’il veut conserver sa majorité à un maximum d’endroits. Les esprits stratégiques vont adorer cet aspect du jeu!
Un suspense jusqu’à la dernière minute!
D’ailleurs, le décompte de fin de partie permet d’accumuler une quantité parfois surprenante de points de prestige. Comme on dit, ce n’est pas fini tant que ce n’est pas fini! Beaucoup peut se jouer sur le dernier tour. Une pastille ou un marqueur à deux faces prévoyant un débordement au-delà de cent points aurait été agréable. Après tout, on peut dépasser le tour du plateau prévu. Cela aurait évité une possible confusion. Aussi, cela aurait mis en évidence à quel point un joueur a bien réussi à utiliser ses stratégies. Et comme le marqueur est un peu ordinaire, quoique bien réfléchi pour que les quatre joueurs puissent occuper la même case, il aurait pu être conçu en ayant cet ajout en tête.
Et en 3D SVP!
Un de mes éléments préférés de Cuzco est la possibilité, (voire l’obligation!), de placer des tuiles de manière à créer des étages 3D. Cette manière de faire est différente et force à développer un mode de réflexion plus structuré. L’interdiction de simplement superposer des tuiles identiques les unes sur les autres ajoute une profondeur non négligeable. Et c’est souvent dans ces situations que les tuiles simples et doubles gagnent en intérêt. Le petit décalage offert par une de ces tuiles permet le chevauchement essentiel à l’empilage « autorisé ». Le côté 3D me semble être l’élément distinctif de choix pour ce jeu de placement et de majorité!
Ambiance et interactions
Dans une partie de Cuzco, l’ambiance est généralement agréable! Chacun doit optimiser sa présence près des temples. Il faut s’attendre à certains coups un peu « dans les dents ». Cela dit, la compétition n’est pas féroce au point d’être désagréable pour les plus sensibles d’entre nous. Les interactions ne sont pas au coeur de de l’action. Pendant une de mes parties de test, j’ai eu droit à un joueur qui tentait systématiquement de me bloquer quand j’approchais trop de « son » temple. Cela ne m’a pas empêché d’avoir une excellente partie!
J’avoue que la thématique a influencé mon appréciation du jeu! On sent vraiment le côté « Amérique du Sud » grâce au choix des couleurs et au visuel du tour du plateau. J’ai d’ailleurs un petit coup de cœur pour les symboles qui se trouvent insérés entre certains numéros. Ils sont élégants et ajoutent vraiment au côté immersif. Même chose pour les meeples Incas. Quelle bonne idée de design! Le soin apporté à ces détails est vraiment agréable à constater.
Bref, si vous cherchez un jeu agréable avec une thématique bien sentie et une mécanique originale, Cuzco est fait pour vous!
On aime Cuzco pour:
– Le look de la boîte et illustrations qui sont belles, colorées et qui donnent le ton à la thématique;
– Les règles du jeu simples et efficaces qui permettent une grande variété d’actions;
– La qualité du matériel, particulièrement les temples qui sont magnifiques;
– La grande re jouabilité grâce à la possibilité de poser les tuiles en tout lieu;
– L’ambiance à la fois compétitive et sympathique;
– Le fait qu’il s’agit d’un jeu accessible pour des joueurs un peu plus jeune que l’âge prescrit;
– L’interaction modérée qui n’alimente pas la compétition désagréable;
– La thématique Inca qui permet une immersion rapide et efficace;
– La mécanique combinée de placement de tuile et de majorité qui pousse à une réflexion plus poussée et plus organisée;
– Le fait qu’on ait à construire notre ville en 3D.
On aime moins Cuzco pour:
– Les marqueurs de fête qui tombent tout le temps et dont la conception semble moins aboutie que les autres pièces;
– L’absence de compteur de points d’action, ce qui occasionne de la confusion;
– Le fait que les tours de jeu puissent être trop longs;
– L’absence de règles spécifiques pour les parties à deux joueurs.
On aurait aimé:
– Un sablier pour aider à contrôler les longs penseurs;
– Un marqueur de cent points pour les joueurs qui dépassent le tour du plateau.
Merci à notre partenaire ÎLO de nous avoir offert
une copie du jeu pour cette chronique.
Nous vous invitons à découvrir d’autres jeux de ce distributeur
en lisant notre chronique sur le jeu L’empire de César